On a toutes déjà vécu des trahisons : infidélité, coup bas au bureau, amitiés… En politique aussi les trahisons sont de rigueur alors que la campagne présidentielle s’accélère.
Pourtant les trahisons peuvent être bénéfiques. Explications.
« Mel, assieds-toi faut que j’te parle… », maintenant que vous avez en tête les paroles de « Confessions nocturnes » de Diams, vous revient sûrement en tête une sombre histoire d’infidélité qui vous a fait passer des soirées à déverser votre colère (ou haine, c’est selon) auprès de votre meilleure amie . Le monde politique n’est d’ailleurs pas épargné en pleine campagne présidentielle : récemment Marion Maréchal a déclaré qu’elle ne soutiendrait pas sa tante Marine Le Pen, Christiane Taubira vient d’être lâchée par le Parti radical de Gauche. Le dernier en date : Nicolas Bay a été relevé de ses fonctions du Rassemblement national qui l’accuse de sabotage et d’avoir transmis des informations aux équipes d’Éric Zemmour. Qu’elles soient amicales, amoureuses ou professionnelles, les trahisons s’immiscent dans toutes les sphères de notre vie.
Le sentiment de trahison nous donne l’impression d’être abandonné et de subir une situation. Loin d’être une fatalité, ce que l’on ressent lorsque l’on est trahi.e n’est pas forcément une mauvaise chose, au contraire, cela peut même être bénéfique. Explications avec Nicole Prieur, thérapeute familiale et auteur de « Les trahisons nécessaires » (Ed. Robert Laffont) et Charlotte Jacquemot, chercheure au CNRS en sciences cognitives.
Apprendre à ne plus se trahir soi-même
La trahison « est un véritable tsunami à tous les niveaux de notre existence », explique Nicole Prieur. La thérapeuthe précise que le sentiment de trahison se caractérise par une perte d’affection voire une perte d’identité, « on se demande : » Qui suis-je moi, pour ne pas être considéré par l’autre » ? », détaille-t-elle. Notre croyance dans l’honnêteté en amitié peut en prendre un coup et souvent il arrive de sombrer car cela touche à notre confiance, « le sens autour duquel on avait construit sa vie s’effondre. Comme ceux qui après une infidélité disent » mon couple c’était tout ou ceux, trahis par des ami.es pour qui » l’amitié est une porte de sortie ». La trahison devient une fatalité que l’on ne peut ni contrôler, ni éviter. « Dans mes consultations, j’entends souvent l’idée selon laquelle le fait d’avoir été trahi est vu comme un point de conclusion. » À cela s’ajoute que la trahison a une connotation morale négative : trahir ce n’est pas bien.
Selon la thérapeuthe, on gagnerait donc plus à voir la trahison non plus comme un « acte mais comme un processus ». Autrement dit, « lever la condamnation morale et considérer que c’est un processus, moins on restera rigide dans notre analyse, plus on se donnera les chances de voir les perspectives ». Elle insiste sur le fait de reprendre le contrôle de la situation : « L’enjeu c’est d’apprendre à ne plus se trahir soi-même, à considérer ce que l’on veut vraiment, c’est l’occasion de mettre les choses à plat, de reconsidérer les choses ».
Le cerveau : arme anti-trahison
Un ajustement psychologique donc, que l’on observe aussi dans notre cerveau comme l’explique Charlotte Jacquemot, chercheure au CNRS en neurosciences. « Le fonctionnement normal du cerveau c’est de faire des prédictions, choses que l’on fait de manière totalement implicite », détaille-t-elle. Pour mieux comprendre, la chercheuse donne un exemple concret : « Quand vous apprenez à conduire, si vous tournez le volant vers la droite, vous faites la prédiction que la voiture va se diriger dans telle direction. Vous évaluez ensuite le lien entre le mouvement que vous avez fait et la direction qu’a réellement pris la voiture ».
Dans les interactions sociales, Charlotte Jacquemot explique que nous faisons exactement la même chose « on va faire des prédictions sur le comportement social des individus avec qui on interagit et on réévalue si l’on s’est trompé ». Il existe une zone dans le cerveau qui permet de prédire comment les autres vont réagir, cela permet d’avoir une idée de l’influence que l’on peut avoir sur autrui. « Quand on connaît bien les personnes avec qui on interagit, notre confiance en eux est très élevée. Autrement dit, on a peu de chances de se tromper sur nos prédictions. Donc plus on est proche de la personne qui nous trahit, plus notre sentiment de trahison va être fort car la réponse qu’il nous donne est très éloignée de ce qu’on avait prédit », détaille la chercheuse. C’est le cas notamment lorsque l’on entretient une amitié toxique . « Il y a un système dans le cerveau qui permet de » coder la trahison dans le cortex préfrontal et permet de réévaluer et de dépasser la trahison, ou pas », souligne la chercheuse.
Ne pas culpabiliser d’être en colère
Un travail implicite que fait le cerveau et qui s’ajoute à un travail émotionnel et psychologique. Lorsque l’on est victime d’une trahison cela peut révéler des sentiments de colère, une envie de se venger qui se traduit par un sentiment de colère à l’intensité variable. « Combien de fois mes patientes trompées par leur ex-conjoint me disent » il fait ressortir le pire de moi-même explique Nicole Prieur. Il est important de rappeler que pour surmonter une infidélité , il ne faut pas culpabiliser d’être en colère car c’est une étape nécessaire qui fait que de la position de victime, on réagit, on est vivant dans la colère. »
Passé cette étape, la thérapeute préconise de cesser de trop s’interroger. Facile à dire plus qu’à faire, pourtant « accepter que la trahison est le lieu de l’incompréhension absolue peut aider », assure-t-elle. Pourquoi m’a-t-il trompé.e ? Qu’ai-je fait ou ne pas fait pour arriver à cette situation ? Autant de questions qu’elle conseille de mettre de côté pour avancer et « accepter que la trahison induit des points de vue antagonistes ». Au-delà de ces deux premières phases, la thérapeute explique que changer son point de vue sur le processus de trahison permet de « se poser face à soi-même et de se demander : » Aujourd’hui qu’est-ce qui est le plus important ? » Plus je perçois ce qui a du sens pour moi, moins je laisserai prise aux trahisons », conclut-elle. Finalement, tout est une question d’ajustement entre l’esprit et le corps, souvent notre meilleur allié.